Test Hell is Us, quand la liberté frise parfois l’abandon
Il y a des jeux qui vous guident pas à pas, jusqu’à parfois vous prendre par la main pour s’assurer que vous ne manquiez aucun élément de l’aventure. Et puis, il y a ceux qui choisissent de faire confiance au joueur… quitte à risquer de le perdre un peu en chemin. Hell is Us, la nouvelle création du studio Rogue Factor, s’inscrit clairement dans la deuxième catégorie. Une expérience atypique, exigeante, et qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui a le mérite d’oser une approche singulière dans le paysage vidéoludique actuel.

Hell is Us, ou le retour à l’état sauvage (du jeu vidéo)
Avec Hell is Us, dès les premières minutes, le ton est donné. Pas de tutoriel envahissant, pas de carte surchargée d’icônes, pas de flèche vous indiquant la route à suivre. Dans Hell is Us, le joueur (qui incarne le mystérieux Rémi, décidé à retrouver ses parents dans une ville en ruines) est invité à observer, expérimenter et apprendre par lui-même. Cette philosophie rappelle certains jeux d’aventure d’autrefois, où l’on avançait à l’instinct, en scrutant les décors à la recherche d’indices subtils.

Cet aspect de liberté absolue est sans doute le plus grand atout du titre. La promesse est claire : jamais le jeu ne vous dira “fais ceci” ou “va par là”. Les énigmes doivent être comprises, parfois au prix d’essais infructueux, et les environnements recèlent toujours une logique qu’il appartient au joueur de déchiffrer.
C’est une manière de responsabiliser celui qui tient la manette, et certains se sentiront galvanisés par ce sentiment de maîtrise totale, qui se fait très rare depuis quelques années déjà.
Une direction artistique qui marque
Si Hell is Us séduit au premier regard, c’est aussi grâce à son identité visuelle. Le jeu affiche une direction artistique particulièrement inspirée, entre paysages désolés, architectures inquiétantes et jeux de lumière travaillés. Chaque recoin semble avoir été pensé pour dégager une atmosphère pesante, parfois oppressante, mais jamais gratuite.

Pour un jeu conçu avec un budget modeste, la prouesse technique est réelle. Les textures tiennent la route, les animations sont globalement fluides et l’ensemble reste stable, même lors de séquences plus intenses. Certes, nous ne sommes pas au niveau des productions AAA les plus clinquantes (encore que…), mais Hell is Us compense largement par son style et sa cohérence artistique.
Quand la liberté devient un piège
Toutefois, cette volonté de ne jamais orienter le joueur peut aussi devenir une faiblesse. Si les premières heures s’avèrent grisantes, ce sentiment de découverte permanente peut rapidement laisser place à une frustration grandissante. Tourner en rond, chercher pendant de longues minutes sans savoir si l’on avance vraiment, peut décourager les plus impatients, dont je fais partie.

Car oui, certains joueurs apprécient une narration un minimum guidée, qui leur donne le sentiment de progresser sans avoir à tout deviner. Dans Hell is Us, il faut accepter de se perdre, d’échouer, de recommencer… Un choix assumé par les développeurs, mais qui divisera forcément le public. Ceux qui aiment les aventures plus linéaires, où chaque étape est balisée, risquent de décrocher assez vite.
Des ennemis qui manquent d’âme
Autre déception : le bestiaire. Les créatures que l’on affronte au fil de l’aventure ressemblent toutes à des variations d’un même concept, sorte de silhouettes humaines déformées, suintant la haine et la colère.

Sur le papier, l’idée de matérialiser des émotions négatives est intéressante. Dans les faits, le manque de diversité et d’imagination se fait cruellement sentir. Après quelques combats, la lassitude s’installe, et l’on regrette de ne pas croiser des adversaires plus variés, capables de renouveler l’expérience.
Dialogues et mise en scène en retrait
Si la direction artistique impressionne, la mise en scène fait au contraire assez cheap. Les dialogues peinent à captiver, souvent rigides et sans véritable profondeur. Les cutscenes, quant à elles, manquent d’énergie et peinent à renforcer l’immersion. On aurait aimé des échanges plus dynamiques, des personnages plus nuancés, et une réalisation cinématographique capable d’accompagner l’ambition visuelle du titre.

Ces faiblesses accentuent encore le sentiment d’un jeu taillé pour l’exploration et l’expérimentation, mais pas forcément pour raconter une histoire marquante.
Une expérience polarisante
Au final, Hell is Us est une proposition audacieuse, qui refuse de se plier aux codes du divertissement standardisé. Le jeu ne cherche jamais à séduire tout le monde, et c’est peut-être là sa plus grande force… comme sa plus grande faiblesse. Ceux qui accepteront de se plonger dans cet univers sans attentes préconçues, en se laissant porter par la curiosité et l’envie d’explorer, trouveront une expérience singulière et gratifiante.
En revanche, ceux qui espéraient une aventure narrative plus accessible, où l’on avance de manière fluide et sans blocages excessifs, risquent de lâcher l’affaire assez vite. Et c’est tout à fait leur droit.
Hell is Us n’est pas un jeu pour tout le monde. Il incarne une vision, presque une philosophie, qui repose sur la confiance absolue accordée au joueur. Liberté totale, direction artistique réussie et technique honorable composent un cocktail original, capable de séduire les aventuriers en quête de nouveauté. Mais derrière cette audace se cachent des écueils non négligeables : ennemis peu inspirés, dialogues plats, cutscenes manquant de souffle, et surtout une liberté qui frise parfois l’abandon. De quoi en rebuter plus d’un.
En somme, Hell is Us est une œuvre polarisante, que l’on adorera ou que l’on détestera selon son rapport à cette expérience vidéoludique très originale. Et peut-être que c’est bien ainsi : après tout, rares sont les titres qui osent diviser autant. Comme quoi, on peut être absorbé par un Space Adventure Cobra très old school, très classique et à la réalisation pour le moins sommaire, et se montrer peu réceptif à un Hell is Us pourtant bien plus ambitieux et abouti techniquement. C’est ça (aussi) la force de l’art vidéoludique.
Notre avis concernant Hell is Us
Hell is Us
On aime
- L'ambiance générale, excellente
- La liberté totale laissée au joueur
- Techniquement solide
- Un scénario dense et très bien écrit
- Le plaisir lié à l'exploration et aux découvertes
On aime moins
- Une forme d'abandon qui peut frustrer certains joueurs
- Le bestiaire, pas foufou
- Les dialogues très old school (et le doublage FR bof)
- Remi, pas un modèle de charisme