Benicio Del Toro est une figure emblématique du paysage cinématographique américain. A 48 ans, l’acteur portoricain a derrière lui une carrière bien fournie. « Usual suspects », « Las Vegas parano », « Snatch », « Sin City », « 21 grammes », mais aussi un rôle dans les films Marvel et un autre dans le prochain Star Wars… L’homme est un touche-à-tout capable, comme tout bon comédien qui se respecte, de s’adapter tout en apportant sa touche personnelle au travail qui lui est confié. Il y a pourtant un sujet qu’il semble affectionner particulièrement, ou du moins qui revient régulièrement dans sa filmographie : celui des stupéfiants. Depuis l’excellent « Traffic » sorti en 2000, jusqu’à « Paradise Lost » relatant l’histoire de Pablo Escobar, en passant par « Savages » et le double biopic sur Ernesto Guevara (« Ché »), Del Toro aime se frotter au monde des narco-trafiquants. Et ce n’est pas « Sicario », nouveau thriller politique signé Denis Villeneuve, qui va me contredire.

Del Toro & les narco-polars : toute une histoire…

La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique, l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.

Entouré de fauves, l’agent Kate Macer tient le pavé…

Sombre est la nuit…

Sicario -comprenez « tueurs à gages »- est une plongée sans palmes et sans bouteilles dans l’univers du narco-trafic qui sème la terreur entre Juarez et El Paso. On y découvre, à travers une intrigue sombre et bien ficelée, de cruelles vérités qui dérangent. Ces vérités qui ne font que se murmurer comme des rumeurs sans fin, et qui passent d’une oreille à l’autre indéfiniment : la guerre contre la drogue est une guerre qui ne peut se gagner. Cette vérité, l’agent Kate Macer, personnage central de l’intrigue jouée par l’excellente Emily Blunt, va la prendre en pleine figure en entrant (comme nous) dans cet univers dangereux au parfum de mort.

Alors que la jeune femme, agent d’élite du FBI, voit ses talents récompensés par ce qui ressemble fort à une promotion, c’est tout autre chose qu’elle va devoir subir et comprendre aux côtés des barbouzes de la CIA. Un monde de violence si extrême qu’il voit sans cesse ses limites repoussées par les cartels se livrant bataille pour la contrôle de la cocaïne. C’est dans ce monde-là que la jeune femme, aussi aguerrie soit-elle, va voir ses convictions les plus profondes s’effondrer une à une.

Presque pas une ride…

Nerveux et sans concession

Pour avoir adoré la travail du réalisateur canadien, notamment dans « Prisoners » et « Enemy », je dois dire que c’est un metteur en scène dont j’attends impatiemment chaque prochain film. Autant vous dire que j’avais de grosses attentes en attaquant « Sicario ». Au final, on a affaire à un thriller particulièrement nerveux, doté d’une ambiance et d’une mise en scène ultra immersive.

Ses principaux points forts : la capacité de Villeneuve à dénicher des plans séquences parlants et totalement ajustés à l’action, ainsi que celle de distiller une tension à couper au couteau (la BO est déterminante). Cette sorte de stress que l’on peut éprouver lorsqu’on se sent en danger ou menacé. Celui qui fait battre vos veines et enserre votre crâne. Je repense à la fameuse séquence du convoi, tellement immersive que l’on a la sensation de faire partie soi-même de l’escorte.

Un casting impeccable

Là encore, Villeneuve a eu du nez. Benicio Del Toro était évidemment une valeur sûre pour ce travail. Il incarne ainsi un homme dévasté par le chagrin et submergé par la rage et le désir de vengeance. Pour donner de la puissance et du corps à ce personnage, il est épaulé par une Emily Blunt en très grande forme.

La jeune femme semble à l’aise dans ses baskets lorsqu’il s’agit d’incarner des personnages de garçons manqués, souvent plus forts que leurs homologues masculins. (« Edge of tomorrow »). Dans le trio gagnant, il reste Josh Brolin, en énigmatique barbouze de la CIA, corsé et diablement efficace.

Une opération minutée…

Un travail minutieux qui a porté ses fruits…

Pour permettre au film d’atteindre un tel niveau de réalisme, le scénariste Taylor Sheridan s’est beaucoup documenté. Il a notamment pris le temps d’interroger les immigrés pauvres vivant à la frontière au Sud de l’Arizona, dans ces villes fantômes situées en plein désert. Le film lui-même a principalement été tourné au Nouveau Mexique, au Texas ainsi qu’à Veracruz au Mexique. Le but était de parvenir à retranscrire cette atmosphère étouffante du désert, venant renforcer la sensation de danger.

Tout ce travail a permis à Sicario d’obtenir 8 nominations au Festival de Cannes 2015, ainsi que 9 autres nominations en tous genres. Une suite est déjà prévue et sur les rails. Elle devrait se concentrer sur le personnage de Benicio Del Toro, qui représente le mal nécessaire à une époque troublée et dont le noir et le blanc se confondent. Vivement..

Notre avis concernant Sicario

Sans révolutionner le narco-polar qui a déjà ses lettres de noblesse à Hollywood, Sicario monte sans peine sur le podium des meilleurs films de genre de sa génération racontant ce type d’histoire. L’intrigue, certes simple et sans grande originalité, est sublimée par un soin particulier apporté à la mise en scène, ainsi que par une atmosphère brûlante et suffocante. Le film est également animé par un trio de comédiens compétents et très bien dirigés, que l’on a plaisir à voir évoluer dans cet univers si violent qu’il en parait irréel. Le tout, avec un sens du détail et du réalisme poussé à l’extrême. En deux mots : puissant et implacable…

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