Batman v Superman – L’aube de la justice : notre verdict (avec quelques spoils)

Une très (trop) longue attente…

Octobre 2013… C’est la date à laquelle nous apprenions la mise en chantier de la suite officielle de « Man of steel », sorti en Juin, la même année. Il aura donc fallu patienter pratiquement 3 ans pour enfin découvrir cette suite. Alors évidemment, trois ans pour la conception d’un blockbuster chiffré à plusieurs Millions de Dollars de budget, ça reste raisonnable. Et je plussoie, effectivement. Ce qui me chagrine en revanche, c’est ce besoin marketing obsessionnel qu’ont les maisons de production à vouloir faire une promo aussi démesurée et envahissante, au point de vous spoiler jusqu’aux grandes lignes du film, voire de carrément vous gâcher tout le plaisir. Teasers, trailers, trailers à rallonges, interview de pré-sortie, spéculations de fans voire même infos exclusives directement liées au scénario,… Ça n’en finit plus. Et ce nouvel opus signé Warner Bros Pictures est loin de déroger à la règle. Le Net et les réseaux sociaux contribuent certainement à entretenir ce jeu de l’exclu à tout prix, mais à force de trop parler d’une chose, ne finit-on pas par en désamorcer la plus petite envie?

L’histoire :

Lorsque Superman s’est révélé au monde, il l’a fait en éliminant le Général Zod, un puissant ennemi qui l’avait suivi dans son sillage depuis les cendres de Krypton, sa planète aujourd’hui disparue. Ce faisant, d’innombrables vies furent sauvées, mais par voie de conséquence, d’autres furent sacrifiées de par la violence inouïe des combats. Et cette violence n’a pas échappé à Bruce Wayne, qui a fini par se convaincre que cet être surhumain constituait davantage une menace potentielle qu’une réelle bénédiction pour l’humanité. C’est ainsi qu’inexorablement, les deux héros vont se retrouver face à face. Mais alors que Batman et le reste de l’humanité continuent de s’interroger sur la légitimité de Superman, un esprit malfaisant s’apprête à mettre ses plans à exécution.

Superman devant le Sénat

Le choix du réalisme

Contrairement aux films du MCU (Marvel), l’univers DC retranscrit au cinéma (aussi nommé DCCU) semble avoir fait le choix d’ancrer ses personnages et leurs histoires dans un contexte le plus réaliste possible. Pour « l’aube de la justice », le pari est doublement risqué car il s’agit de réunir deux super héros très différents dans ce contexte-là. Ça semble aisé en théorie, mais en découvrant le rendu final, on se rend bien compte que les scénaristes en ont certainement bavé pour arriver à quelque chose qui tient debout. Et fatalement, des incohérences apparaissent, nous obligeant ainsi à jongler entre notre quête du réalisme absolu (qui renforce l’intérêt d’un tel film) et l’envie d’excuser les erreurs (ça reste un film de super héros, hein!). Du point de vue de l’écriture, on n’échappera donc pas à des questions telles que « comment les deux héros arrivent à ne pas se connaître au début du film? ».

En revanche, du point de vue du message, force est de constater qu’un effort certain a été fait dans le questionnement du film. Ce qui, pour un blockbuster issu des Comics, est fort louable et renforce indubitablement cette notion de réalisme. La proposition dramatique de Batman v Superman s’articule donc essentiellement sur la légitimité et la place d’un super héros dans le monde, ainsi que sur les limites du bien et du mal. Superman doit-il continuer à faire justice sans jamais avoir à en répondre où à rendre des comptes? Le monde a-t-il vraiment besoin de lui ? Jusqu’où peut-on aller dans sa quête de justice? La façon dont le film aborde ces sujets est plutôt excitante et relativement inattendue pour le coup !

Homme ou Demi-dieu ?

Revers de médaille et bordel narratif…

Malheureusement, je dis bien « aborde ces sujets » car à mesure que l’histoire progresse, ces questions s’estompent, voire s’effacent complètement (alors qu’elles n’ont été qu’effleurées, finalement), pour revenir à l’action plus tradi que l’on retrouve dans ce genre de films. Dommage que ce ton-là n’ait pas été utilisé à meilleur escient (comme c’est le cas dans l’excellente deuxième saison de Daredevil!). Je vais tout de suite enchaîner sur les choses qui, personnellement, m’ont déplu dans ce film, histoire d’arracher le sparadrap une bonne fois. BvS (Batman v Superman) est déséquilibré. Pas besoin d’être Docteur ès critiques de ciné pour se rendre compte que la Warner utilise le film pour introduire son univers étendu (et notamment la Justice league). Mais en voulant faire feu de tous bois, le long métrage se prend les pieds dans le tapis et flingue malgré lui quelques séquences clé de l’histoire (le retournement de veste fulgurant de Batman!) pour parvenir à tout caser (et pourtant, BvS affiche 2h33 au compteur). L’intrigue centrale est ainsi régulièrement boudée, et souvent maladroitement, tout ça pour introduire d’autres personnages sur lesquels, finalement, on n’apprend pas grand chose.

Et les personnages alors ?

Là encore, on notera pas mal de maladresses, même si tout n’est pas à jeter. Le personnage de Superman, toujours interprété par Henri Cavill, est assez fidèle au précédent opus initié par Zack Snyder en 2013. Intègre, droit dans ses bottes, héroïque. Les sérieux doutes émis à son sujet par la population qu’il s’efforce de protéger semblent glisser sur lui comme un pet sur une toile cirée (si vous me pardonnez l’expression). Le personnage de Batman, lui, est repris par Ben Affleck, après une trilogie Nolan assurée avec brio par Christian Bale. Et on peut dire que le flambeau est bien repris. Ben Affleck n’a pas à rougir de sa prestation de l’homme chauve-souris, même si on aurait peut-être apprécié un peu plus de rage de la part de son personnage (défaut lié à l’écriture, pas à l’interprétation).

Pour le reste, il y a à boire et à manger. Le personnage de Wonder woman, bien qu’intéressant, est survolé. Il sort de nulle part. Le film en dit à la fois trop et pas assez et on reste finalement sur notre faim. Celui d’Alfred, bien que secondaire, reste pour moi une fausse note. Jeremy Irons (acteur excellent par ailleurs) parait trop jeune vis à vis de Bruce Wayne (je suis nostalgique de Mickael Caine) et n’est là que pour réciter son texte. En revanche, Jesse Eisenberg est l’excellente surprise du casting dans son rôle de Lex Luthor, tant par son interprétation que par l’importance de son personnage dans le film. Gageons qu’il a mérité sa place dans le MCCU et les opus à venir.

« Il t’arrive de saigner? »

Une mise en place plus chaotique que le voisin Marvel

Puisqu’on a parlé des personnages, il y a tout de même un point important à soulever et qui explique en partie les problèmes de narration, notamment autour des personnages. Quand on pense DC Comics, on pense tout de suite à Marvel, le concurrent. Bien que les deux maisons proposent le même type de produit de pop culture, tout les oppose. Que ce soit dans la façon d’aborder et de raconter les histoires de ses héros, l’ambiance diamétralement opposée, mais plus important encore, la mise en place des personnages au sein de l’univers. Je m’explique : chez Marvel, on a eu presque 9 ans (depuis le commencement de la phase I avec le premier Captain America) pour installer les personnages dans des stand alone movies dédiés à chacun d’eux. L’arrivée du film « Avengers », réunissant ces héros, coulait donc de source et a connu un vrai succès puisque chaque vengeur ou presque avait déjà eu un voire plusieurs films. Chez DC, ce n’est pas la même paire de manches puisqu’il n’y a ni recul ni expérience suffisante pour en être au même niveau. Les Batman de Nolan, quoi qu’on en dise, sont détachés du DCCU, les précédents films comme Green Lantern également. Il ne reste finalement que « Man of Steel » sur lequel rebondir, et Batman v Superman fait clairement office de film transitionnel pour assurer le raccord avec la Justice League… 5 films contre 1 film de 2h30, difficile de faire plus inégal comme combat. Ceci explique pourquoi les personnages secondaires de BvS arrivent tous bien trop précipitamment pour convaincre, et pourquoi le scénario semble aussi bordélique…

Les humains prosternés devant leur nouveau Dieu…

Visuellement impressionnant !

S’il y a un aspect du film qu’on ne remettra pas en question, c’est le soin apporté à son esthétique. Résolument sombre (tant par l’image que par le traitement de son histoire), BvS lorgne clairement du côté de la trilogie Dark knight, et la présence de Christopher Nolan à la production n’est certainement étrangère à cela. Le paquet a également été mis sur les effets visuels, avec quelques séquences de baston bien épiques, que ce soit celle opposant les deux héros à la cape (trop courte à mon goût) ou encore la séquence finale bien couillue façon Snyder (encore quelques immeubles en moins!).

Notre avis concernant Batman v Superman

Lorsque j’ai évoqué le problème des promotions envahissantes, ce n’était pas anodin. A mon sens, Batman v Superman a souffert de cet incessant marketing qui a martelé la toile pendant presque 3 ans, laissant finalement aux spectateurs le goût amer d’un film qui se disperse, prévisible et au titre maladroitement accrocheur. Néanmoins, entre maladresses et mauvais choix de mise en scène, BvS ne s’en tire tout de même pas si mal, en proposant un divertissement sombre et bien burné qui a le mérite de nous mettre l’eau à la bouche (pas toujours adroitement certes) en évoquant l’univers étendu qui nous sera prochainement proposé. On appréciera également la volonté du metteur en scène de proposer une intrigue s’inscrivant dans un réalisme et une logique bien différents de celle de la concurrence actuelle, rapprochant ainsi « l’aube de la justice » du Chevalier Noir de Nolan ou de la série Netflix Daredevil. Un traitement osé mais qui fonctionne plutôt bien. Travail imparfait donc, mais honorable.