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Test Bye Sweet Carole : une œuvre hybride poétique et inquiétante… et un bon jeu vidéo ?

Bye Sweet Carole, c’est une expérience pour le moins singulière, née de la rencontre improbable entre deux univers que tout oppose : d’un côté, un conte féérique à l’esthétique d’animation traditionnelle (façon Alice aux Pays des Merveilles de Disney), rappelant la magie des classiques du cinéma d’antan, et de l’autre, un jeu d’horreur et de survie imprégné d’un esprit rétro, où les mécaniques de plateforme viennent semer tension et adrénaline. Cette fusion étonnante donne naissance à une œuvre hybride, vraiment très originale, à la fois poétique et inquiétante, qui brouille les frontières entre émerveillement et angoisse. Mais cela suffit-il pour en faire « un bon jeu vidéo » ?

© Maximum Entertainment

Bye Sweet Carole, le test !

Au début du XXᵉ siècle, alors que le mouvement féministe prend de l’ampleur en Grande-Bretagne, la jeune orpheline Lana Benton tente d’élucider la disparition mystérieuse de sa meilleure amie Carole. Guidée par d’étranges lettres adressées à une « personne française », elle découvre l’existence de Corolla, un royaume fantastique mais corrompu, dominé par le sinistre Mr. Kyn, la glaciale chouette Velenia et leurs effrayants lapins goudronneux. Entre réalité et monde surnaturel, Lana s’engage dans une quête où chaque pas la rapproche d’une vérité aussi troublante qu’inévitable.

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Dès les premières minutes, Bye Sweet Carole impose une atmosphère singulière : un air de mystère doux-amer conjugué à une esthétique graphique volontairement artisanale qui séduit instantanément. On tombe sous le charme de son univers visuel dès que l’animation débute, tant le jeu revendique et assume le « fait main« . Les graphismes semblent tout droit sortis d’un carnet de croquis animé : chaque trait, chaque couleur, chaque texture pousse à s’arrêter, à admirer.

Le rendu « dessiné à la main » n’est pas qu’un argument marketing, il donne à l’ensemble une vibration fragile, presque précieuse, qui fait que l’on s’attache vite à cet univers.

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Les cut-scenes, quant à elles, ne sont pas un simple ajout cosmétique : elles respirent, elles racontent, elles transportent. Là encore, on reconnaît un soin particulier. Le narrateur, élégant, posé, évocateur, apporte une dimension supplémentaire à l’expérience : sa voix, son rythme, sa diction finissent par faire partie de l’identité du jeu.

Chaque exposition, chaque moment d’émotion, chaque révélation trouve un écrin de narration qui renforce l’immersion. On se surprend à rester en silence, absorbé, attendant le verdict de la voix off. Cette union entre direction artistique et narration est un vrai point fort, et à vrai dire, la première heure est un régal absolu.

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Côté gameplay, Bye Sweet Carole ne joue pas la carte du blockbuster ultra-versatile. Au contraire, on apprécie ce retour un peu “à l’ancienne” du jeu d’énigmes : fouiller, réfléchir, revenir en arrière, faire des allers-retours dans les niveaux, croiser des indices, utiliser un objet, re-ouvrir des passages.

Il y a quelque chose de gratifiant dans cette mécanique : elle rappelle une époque où l’on prenait son temps, où l’on contemplait autant qu’on jouait. Cet arrière-goût rétro fonctionne très bien ici, car il épouse l’identité visuelle du jeu et renforce sa singularité.

Toutefois, le charme n’est pas exempt de réserves. On relève en creux quelques maladresses qui freinent légèrement le flot de l’expérience : la jouabilité manque parfois de précision. Les déplacements, les collisions ou certains sauts donnent l’impression d’une légère flottement, comme si la main dessinait le décor avec délicatesse mais que le moteur peinait à suivre totalement cette finesse.

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On sent que le studio a misé avant tout sur le rendu visuel et l’ambiance, mais un peu plus d’ergonomie aurait été bienvenue. De façon connexe, certaines animations peinent à se régler avec le raffinement artistique, là où le style visuel est impeccable, les animations paraissent parfois un cran en-dessous, légèrement trop simples ou rigides face à la richesse du visuel. Ce contraste n’est pas dramatique mais se remarque, surtout lorsqu’on est attentif.

En matière de rythme et d’équilibrage, Bye Sweet Carole se distingue par son audace mais aussi par ses quelques hésitations : si l’entrée est absolument magistrale (la première heure frappe comme un coup de maître), le découpage en chapitres, nécessaire pour structurer l’expérience, finit par introduire une certaine répétitivité. Les allers-retours, l’enchaînement des énigmes dans un schéma un peu calibré finissent, sur la longue durée, par faire retomber une partie de la tension initiale.

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On regrette aussi que l’équilibrage soit un peu léger : certains passages sont trop indulgents, d’autres un peu trop abrupts, mais sans jamais tomber dans l’injouable. Heureusement, nous n’avons pas été confrontés à de gros bugs, les correctifs récents semblent avoir fait leur effet, et l’expérience est restée globalement fluide.

Au bilan, Bye Sweet Carole s’impose comme une proposition très originale dans le paysage vidéoludique. Son style graphique artisanal, ses cutscenes soignées, son narrateur parfait, son gameplay d’énigmes à l’ancienne : tous ces ingrédients lui donnent une vraie personnalité. On se laisse happer dès l’entrée, transporté par cet univers singulier. Bien sûr, le jeu n’est pas sans défauts : jouabilité et animations légèrement en-deçà, un équilibre en matière de rythme qui aurait pu être mieux affiné. Mais ces réserves n’entachent pas l’essentiel : l’expérience reste très correcte dans la durée, même si l’ensemble s’avère un peu moins fou que prévu.

Notre avis concernant Bye Sweet Carole

Bye Sweet Carole est un titre à découvrir, pour peu que l’on accepte de prendre son temps, d’entrer dans son tempo, d’apprécier sa poésie visuelle et son goût pour les énigmes. Une belle réussite, modeste mais sincère, sorte de Disney à l’ancienne horrifique, avec ses défauts malgré tout, mais qui devrait ravir les amateurs d’immersion et d’originalité.

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