Pour toute une génération de joueurs, les années 90 représentent l’âge d’or du jeu vidéo. Entre les circuits colorés de Mario Kart, les mystères de Zelda, de La Légende de Thor, et les heures passées à entraîner son équipe dans Pokémon Rouge, ces jeux ont façonné bien plus que de simples souvenirs : ils ont influencé la manière dont les enfants apprenaient, réfléchissaient et géraient la frustration. Les spécialistes du développement cognitif s’accordent aujourd’hui à dire que ces expériences ont eu un impact bien différent de celui des jeux modernes.
Les jeux vidéo, apparemment, c’était vraiment « mieux avant »
Les jeux de cette époque avaient une caractéristique aujourd’hui presque disparue : une fin claire et définitive. On terminait un niveau, on progressait dans l’histoire, on atteignait les crédits. Cette structure simple (mais exigeante, pensons à Ghost’n Goblins…) favorisait la persévérance et la gratification différée. Après parfois des dizaines d’essais, réussir enfin un combat ou un passage difficile procurait une réelle sensation d’accomplissement, comparable à la réussite d’un projet personnel.
À l’inverse, beaucoup de titres modernes misent sur des systèmes de récompenses rapides. Défis quotidiens, bonus instantanés, loot boxes ou microtransactions stimulent constamment la dopamine du joueur. Résultat : on obtient une excitation brève certes, mais répétée, souvent au détriment de la satisfaction durable d’ailleurs.
Autre différence majeure : la façon d’apprendre à jouer. Dans les années 90, les jeux proposaient peu ou pas de tutoriels. On découvrait les mécaniques en jouant, on se trompait, on essayait autre chose, on échangeait nos techniques avec les copains. Être bloqué faisait partie de l’expérience. Cela incitait les jeunes joueurs à développer de véritables stratégies, à réfléchir différemment, et parfois à collaborer entre amis pour comprendre un passage difficile.
Mieux encore, certains jeux de l’époque, alors intégralement en anglais, imposaient aux joueurs de faire un minimum de recherche, d’apprendre les bases de la langue, pour continuer à progresser. Aujourd’hui, une simple recherche en ligne permet de contourner n’importe quel obstacle en quelques secondes. Beaucoup de jeux guident également le joueur pas à pas, au point de réduire à néant l’espace laissé à l’expérimentation et à l’analyse personnelle.
Des jeux « finis », au sens propre du terme
Les jeux rétro avaient un autre atout : ils étaient finis, au sens littéral du terme. On jouait une partie, puis on éteignait la console. Pas de multijoueur permanent, pas de classement mondial, pas d’algorithmes destinés à pousser le joueur à rester connecté, pas de mise à jour pour ajouter du contenu. Cette structure créait des pauses naturelles, permettant de passer à d’autres activités sans pression sociale.
Les jeux actuels, eux, sont souvent pensés comme des expériences continues. Ils s’appuient sur des défis en ligne, des notifications, des événements temporaires, qui créent un environnement où l’enfant ressent une forme d’urgence permanente : il ne veut pas « manquer quelque chose ». C’est prouvé, cela peut entraîner stress, baisse de concentration et perturbations du sommeil.
Les experts considèrent que ces différences structurelles expliquent pourquoi les joueurs des années 90 ont développé une relation particulière au jeu vidéo : mélange de patience, de débrouillardise et de satisfaction long terme. Les jeux modernes offrent évidemment des expériences plus riches et plus sociales, mais reposent souvent sur des mécaniques destinées à capter l’attention plutôt qu’à encourager la réflexion.
Comprendre cet héritage permet d’ailleurs aujourd’hui aux parents, et aux joueurs devenus adultes, de mieux appréhender l’impact réel des jeux vidéo sur le développement cognitif lors de la précieuse transmission intergénérationnelle.
Bien sûr, cela n’empêche pas aujourd’hui de profiter de quelques pépites vidéoludiques bien modernes, avec des jeux solos d’une qualité remarquable, mais aussi certains jeux permettant une précieuse coopération, à l’instar du récent (et fabuleux) Absolum, mais aussi de Split Fiction, de It Takes Two avant lui…
